Vous le savez, je suis une grande fan de polars en général (même que j'ai interviewé le génial Pierre Lemaitre, auteur de Robe de Marié, au sujet de son travail et de ses bouquins, ça se passe par ici). Je crois qu'il n'y a pas pire que l'ennui quand on lit un roman de ce genre, il me suffit d'un ou deux chapitres bien lourds pour me faire complètement décrocher.

Par contre, du côté des livres qui m'ont beaucoup marquée, il y en a un qu'on m'a plusieurs fois conseillé et que je vous conseille à mon tour : La vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker. Il a d'ailleurs été salué par la critique et reçu entre autres le Grand Prix de l'Académie Française. Ah oui d'accord.
S'il n'est pas présenté comme un polar ni publié chez un des éditeurs spécialistes du genre, je trouve qu'il appartient complètement à ce genre. Les gens ont tendance à croire qu'un roman policier ne comporte rien de critique envers la société et qu'il ne s'agit que d'une enquête très formatée (enquête ayant lieu car, justement, la société ne tourne pas rond, soit dit en passant...). Ici, l'intrigue est plutôt soft mais dirigée avec un tel brio qu'il serait indécent de passer à côté de ce bouquin ! Voici trois raisons pour lesquelles vous devez vous jeter dessus...
1- Cold Case effect
En grosse fan de cette série américaine, impossible pour moi de ne pas apprécier le côté rétro de l'enquête de Joël Dicker. Imaginez une petite ville américaine (Aurora) située au bord de la mer, son diner, son pasteur à la retraite, ses célébrités locales... Si tout le monde se connaît, certains gardent encore leurs petits secrets. Comme cette relation amoureuse entre un futur écrivain à succès de 34 ans et une adolescente de 15 ans, démarrage du roman. Ajoutez à cela que l'on retrouve le corps de cette ado, disparue il y a plus de trente ans par une nuit d'été, et vous obtenez d'innombrables va-et-vient entre 2008 (année de l'enquête) et 1975 (année du drame).
Mais sinon, pour Cold Case... Avez-vous déjà remarqué que, au démarrage, la ligne de métro 7bis émet la même complainte qu'au début du générique de la série ? Ne me remerciez pas.
2- I shot the sheriff writer
Paillettes, biftons et solitude : le métier d'écrivain est ici décrit de manière acide par un narrateur tout sauf héroïque. Rien de revendicateur cependant : le personnage est cynique mais surtout très drôle ! Ca m'a du coup rappelé le ton des Visages de Jesse Kellerman, très satirique lui aussi et tout aussi plaisant. Deux écrivains sont présents dans le livre : Marcus Goldman (le narrateur) et Harry Quebert (son ancien professeur de littérature, lui aussi auteur). Joël Dicker s'attarde sur les coulisses et les difficultés rencontrés par un auteur à succès, entre pages blanches, pression des éditeurs et pression familiale. Tous les échanges avec la mama juive sont d'ailleurs très amusants : ils désacralisent le métier d'écrivain, tandis que le retour du narrateur à Aurora auprès de son mentor lui permet de redescendre un peu sur terre. Joël Dicker, un auteur anti-bling bling ? Super beau gosse en tout cas.
3- Brainwashing
La principale caractéristique d'un bon polar est quand même son intrigue. Et je dois qu'entre les flashbacks et les flashforwards, on est quand même hyper bien servis : Joël Dicker nous manipule avec plaisir, au point de ne plus savoir qui croire. La gentille et amoureuse serveuse du diner ? Le père éploré de l'adolescente ? Harry Quebert, que tout accuse mais que Marcus Goldman veut à tout prix blanchir ? Difficile d'y voir clair, surtout quand les "héros" du bouquin ont eux-mêmes les mains sales. Le dernier retournement de situation survient quelques pages seulement avant la fin et vous ne risquez vraiment pas de vous ennuyer. Dicker parvient même à incorporer un soupçon de spiritisme pour relancer le suspense, chapeau l'artiste.
Et je ne sais pas vous, mais j'adore les polars se déroulant dans des petites villes paumées. Dans le même genre et si vous êtes adeptes, je pense que vous adorerez Un mort à Starvation Lake de Bryan Grylay (autour de l'équipe locale de hockey et son entraîneur un peu chelou).
Bref, hâte de voir ce que nous réserve cet auteur dans les prochaines années ! Sachant que son autre roman paru l'an dernier, Les derniers jours de nos pères, a reçu deux prix et figure dans la liste "coups de coeur" des libraires, je crois qu'on risque encore de passer des nuits blanches, plongés le nez dans un roman... Youpi !
Et vous, avez-vous entendu parler de ce roman ? L'avez-vous apprécié / vous tente-t-il ?